Pour nos cultures à tradition orale, les légendes sont des véhicules pour enseigner les savoir-faire et les savoir-être de même que les valeurs qui les soutiennent, des composantes essentielles à notre survie. Nous croyons que ces enseignements ont encore leur place aujourd’hui et nous sommes heureux de participer à leur transmission.
Savoir-faire p.1
(1) Il faut d’abord se promener en forêt et trouver un bouleau bien droit.
(2) Ensuite on le fend en 4 gros morceaux avec la hache qui seront (3) par la suite amincis avec le couteau croche.
Autrefois le couteau croche était fait d’une dent de castor bien coupante. Avec l’arrivée des européens, ce sont des limes de métal affutées qui remplacent la dent de castor.
Le toboggan est un objet qui peut être fabriqué à l’aide du couteau croche et de la hâche.
Savoir-faire p.3
Pour fabriquer les contenants en écorce, il faut d’abord découper de grandes feuilles d’écorce de bouleau avec le couteau croche en laissant l’arbre vivant.
Pour attacher les différentes parties du panier ensemble, on cueille des racines d’épinette qu’on fait bouillir et tremper pour les rendre plus souples.
On perce des trous dans la feuille d’écorce et on lace les racines dans ces trous.
Valeurs p.3
Le panier contient la vie et ses enseignements : le courage, la solidarité entre nous, les liens familiaux et le respect des femmes, la volonté de grandir et de devenir meilleur, le respect des animaux qui sont nos frères et soeurs, le non-gaspillage de nos ressources, l’apprentissage des traditions, la reconnaissance des forces de chacun, même des plus faibles.
Savoir-faire p.4
Les haches sont fabriquées en trouvant une pierre dans la nature qui est par la suite taillée en la frappant avec une autre pierre plus dure jusqu’à ce que des éclats se détachent en formant un côté tranchant.
La pierre taillée est ensuite attachée à un manche de bois avec des lanières de cuir ou des tendons d’orignal ou de caribou séchés.
Savoir-faire p.5
L’arc et la flèche sont des inventions très complexes qui datent de 20,000 ans. Les pièces de bois pour l’arc et la flèche sont taillées au couteau croche. Des tendons d’animaux sont torsadés pour fabriquer la corde de l’arc. Un grand savoir-faire est nécessaire pour tailler la pointe dans un morceau de silex. Les plumes assurent que la flèche demeure stable lorsqu’elle est lancée vers la proie.
Valeurs p.5
Les jeunes innus apprennent en imitant leurs parents dans tous leurs gestes quotidiens. Ils apprennent à chasser en chassant d’abord les petits animaux autour du campement.
Le respect c’est aussi comprendre, connaître et respecter la pensée de l’animal. Un bon chasseur connaissait tout des comportements de l’animal et des bonnes conditions pour la chasse, par exemple un certain type de neige produit des bruits qui feront fuir le caribou. Le chasseur porte toujours ses plus beaux habits par respect pour l’animal qu’il chassera.
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Les êtres vivants développent des caractéristiques et des façons de vivre dans un territoire avec son climat, sa faune, sa flore propres. Les trois ours retournent vivre là où ils trouveront ce dont ils ont besoin :
L’ours blanc sur la banquise.
Le grand ours gris est un animal préhistorique aujourd’hui disparu qui vivait dans les grandes steppes du nord.
L’ours noir dans la forêt boréale.
Savoir-faire p.7
Dans la pensée innue, plus tu respectes l'animal et le territoire, plus tu es respecté comme chasseur. Le bon chasseur est considéré comme étant riche et il se doit d'être très consciencieux, humble et respectueux.
Valeurs p.8
La légende de Tshakapesh démontre que les Innus ont une connaissance de l’histoire du monde qui s’est transmise par la tradition orale de génération en génération plutôt que par les livres. Les découvertes scientifiques modernes confirment que ces connaissances sont valables.
Il y a eu autrefois de très grands animaux aujourd’hui disparus et on sait maintenant que différents types d’humains ont cohabité à certaines époques. Et il est aussi vrai que les êtres humains sont des descendants des animaux, ils ont donc cohabité avec eux.
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En utilisant son pouvoir surnaturel pour se grandir, Tshakapesh nous dit que c’est notre responsabilité de faire ce qu’il faut pour grandir et devenir meilleur.
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Dans les temps anciens, humains et animaux se comprenaient. Ils vivaient ensemble et se parlaient. Il n’existait pas de barrière entre humains et animaux.
Savoir-faire p.14
Plusieurs médicaments sont fabriqués à partir de la gomme de sapin comme les sirops contre la toux, les onguents désinfectants, les décongestionnants.
Valeurs p.14
Tshakapesh a le pouvoir de ramener ses parents à la vie, mais il prend la décision de ne pas le faire car les ressources du territoire qu’il occupe avec sa famille ne peuvent subvenir aux besoins d’un trop grand nombre de personnes.
Savoir-faire p.15
La fourrure des animaux nordiques est très chaude car elle a une grande capacité d’isolation. Chaque poil contient une petite chambre d’air qui se réchauffe au contact du corps de la personne qui dort sur le matelas, ce qui la protège du froid ambiant.
Valeurs p.15
Tout comme la soeur de Tshakapesh qui utilise les oreilles de Katshituashk pour confectionner un matelas, les Innus ont un grand respect pour les animaux, aussi ils ne gaspillent jamais les différentes parties d’un animal tué à la chasse. En plus de la viande pour se nourrir :
- Les os deviennent des outils, les dents et les griffes de magnifiques bijoux et ornements
- Les nerfs et les tendons servent à fabriquer des cordes
- La peau et la fourrure servent à confectionner de beaux et chauds vêtements.
Valeurs p.20
En allant à la rencontre de gens d’autres clans familiaux vivant sur d’autres territoires, Thakapesh s’assure qu’il n’y ai pas de mariage co-sanguins entre gens d’une même famille, qui peuvent occasionner de graves problèmes de santé aux enfants nés de ces mariages.
Valeurs p.21
En tuant deux des géants et en adoptant le plus habile des trois, Tshakapesh fait évoluer l’humanité et abolie le cannibalisme.
Valeurs p.22
On ne tue pas tous les castors à la chasse, on laisse les petits pour préserver l’espèce et s’assurer de toujours avoir de la nourriture. Cette gestion de la ressource existe encore aujourd’hui chez les autochtones.
Valeurs p.24
Les Matshinnuat sont des êtres préhistoriques qui ne sont pas aussi habiles que les humains. En faisant apparaître des articulations à leurs bras, Tshakapesh les rend plus évolués.
Valeurs p.26
À chaque grande chasse un festin de partage appelé makusham est organisé. Tous sont invités à partager le fruit de la chasse avec le ou les chasseurs et à danser au son du tambour.
Savoir-faire p.27
Les femmes s’occupent de préparer les peaux qui serviront à la fabrication des vêtements et des raquettes. Elles grattent la chair et le gras à l’aide d’un grattoir fait d’un os (manche) et d’une pierre de silex (lame) ou parfois à l’aide d’un tibia de la patte avant d’un caribou. Le tibia de la patte arrière sert plutôt pour épiler la peau. Ensuite plusieurs étapes de lavage, séchage et étirage permettent d’obtenir un cuir souple.
Savoir-faire p.28
La louche est sculptée dans une pièce de bois. On choisit une branche d’arbre qui a déjà la forme souhaitée pour le manche de la louche. Elle sert à récolter le gras qui monte à la surface quand on fait bouillir les os de caribou après la chasse. Ce gras est ensuite mélangé avec la moelle des os, constituant ainsi un met très nutritif servi uniquement dans les grands festins et les occasions spéciales.
Valeurs p.30
En choisissant de vivre avec une compagne, Tshakapesh met fin à la coutume d’avoir plusieurs femmes (polygamie). En ramenant au campement une compagne pour sa soeur, il crée le clan familial : tous doivent s’entraider pour vivre.
Valeurs p.31
Il faut apprendre de nos erreurs, parfois on a besoin des autres car on ne peut tout réussir seul. Parfois aussi, pour progresser et apprendre, il est nécessaire de transgresser certaines règles et de faire face à ses peurs.
Savoir-faire p.32
Nous pêchions les poissons des lacs et des rivières, dont le saumon, avec un hameçon comme celui-ci, constitué d’une pièce en bois sculptée et de pointes en os insérées dans la pièce de bois.
Quand nous partions en territoire pour l’automne et l’hiver, en canot par les rivières et les portages, nous prélevions dans la nature seulement la nourriture dont nous avions besoin tout au long du trajet. Près des rivières à saumon, il y avait des harpons plantés dans le sol laissés là par d’autres pêcheurs. Nous les utilisions pour nous nourrir et les remettions là pour que ceux qui passaient après nous puissent aussi les utiliser. Le harpon est consitué d’une perche en bois et d’une pointe. Il est utilisé pour chasser le caribou. La tête du harpon est fabriquée à partir d’une pièce d’os sculpté à laquelle est attachée une pointe taillée dans la pierre ou l’os. Elle est attachée à la perche en bois avec des lanières de cuir. Une corde de cuir est attachée au harpon ce qui permet de la ramener avec le poisson. Il faut être habile pour projeter la lance à fleur d’eau pour ne pas qu’elle se fracasse sur les roches avant d’atteindre le saumon qui remonte le courant.
Pour capturer les saumons nous utilisions aussi une torche fabriquée d’un bâton en bois avec plusieurs épaisseurs d’écorce de bouleau roulées à une extrémité. Cette torche servait de lampe pour attirer le saumon. Avant d’allumer l’écorce, nous la trempions dans l’eau pour qu’elle ne se consume pas trop rapidement.
Valeurs p.32
En pensant très fort à sa soeur, Tshakapesh est capable de communiquer avec elle pour lui envoyer un message (télépathique).
Valeurs p.33
Même s’il ne l’a pas écoutée, la soeur de Tshakapesh demeure solidaire avec lui en allant le sauver de sa mauvaise posture. Elle admire le courage de son frère.
Savoir-faire p.36
Dans un sentier où passe le petit gibier tel que le lièvre ou la perdrix, le chasseur place son collet fait d’une lanière de cuir attachée de manière à créer une boucle. Le sentier est obstrué par des branches pour forcer l’animal à entrer dans la boucle. En voulant se retirer de la boucle, l’animal resserrera le noeud et sera pris au piège.
Savoir-faire p.37
À la pleine lune les Shamans, ceux qui voient à travers les choses, exposent leur talisman à la lune pour qu’ils soient purifiés et en absorbent l’énergie. Les chasseurs ont aussi leur talisman, par exemple un os d’ours pour réussir une bonne chasse à l’ours.
Valeurs p.37
C’est le plus petit des rongeurs qui réussit à libérer le soleil, créant ainsi le jour et la nuit. Tshakapesh nous enseigne ainsi que l’on a souvent besoin d’un plus petit que soi.
Valeurs p.38
Aujourd’hui Tshakapesh surveille depuis la lune pour que les Innus parlent encore leur langue, maintiennent leurs traditions et respectent les enseignements des aînés.
Les Innus connaissaient l’orientation par l’observation des étoiles et des constellations. C’est en regardant le ciel que ces nomades savaient quel chemin prendre lors de leurs longues migrations d’automne et de printemps.
C’est ainsi qu’ils allaient à la rencontre de petits gibier et des caribous en août et des oiseaux migrateurs et des saumons au mois d’avril.
Valeurs p.39
Chaque légende innue se termine par cette expression (E utamaskutek peneu tshess) dont le sens s’est perdu dans la nuit des temps.